Reportage : Envouté pour la Saint Patrick, le quartier latin se pare de vert
Le quartier latin, ce lieu aux mille cultures situé en plein cœur de Paris, se voit accueillir pour la Saint Patrick Day le paysage irlandais. Bien plus qu’une célébration enivrée, c’est une culture aux couleurs celtes qui est mise à l’honneur.

À quelques pas de la cathédrale Notre Dame de Paris, en ce dimanche 16 mars, une première vitrine de commerce remplie de trèfles verts s’offre à la vue. Quelques pas plus loin, ce sont des passants revêtus de chapeaux et écharpes de la même couleur qui flânent dans les rues. Encore un peu plus loin, c’est le son d’une cornemuse mélangé à ceux d’un violon qui résonne dans l’air ou le ciel gris déverse sa bruine. L’illusion est à son comble, nous avons voyagé dans le paysage irlandais.
La Saint Patrick Day, traditionnellement célébrée sur l’île d’Émeraude, traverse la mer Celtique puis la Manche pour se retrouver en plein cœur du quartier latin lors d’une semaine dédiée à l’Irlande. Bien plus qu’une fête, c’est toute une culture qui pose ses valises. Musique, sports gaéliques, photographies ou encore dégustation, grâce à la célébration d’un Leprechaun à la chevelure rousse coiffé de son incontournable chapeau vert, le quartier latin se transforme pour quelques jours en un médiateur de la culture irlandaise.
“L’Irlande ce n’est pas que de la bière”
Bien plus qu’une fête, c’est toute une culture qui voit le jour. Entre exposition de photographies, musique traditionnelle, danseurs de claquettes venus spécialement d’Irlande ou encore dégustation d’alcool traditionnel, la célébration de la Saint Patrick à dépassé le palier de fêtes enivrées. “Nous, on souhaite montrer que l’Irlande ce n’est pas que de la bière. C’est de la danse, de la musique, de la littérature, de la gastronomie et nous profitons de la Saint Patrick pour partager pendant quelques jours cette culture. (…) En somme, nous n’inventons rien, la Saint Patrick est fêtée dans tous les villages, mais nous allons plus loin que le cliché d’une fête alcoolisée ” explique Maëlys, organisatrice de la semaine de l’Irlande se déroulant du 8 au 18 mars.
Accueillant tous les arts et les toutes les cultures, le nord du 6e arrondissement n’a pas été choisi par hasard, bien au contraire, il s’est révélé être le lieu idéal. Librairies, cinémas ou encore restaurants, tous ont joué le jeu afin de mettre à l’honneur cette culture aux couleurs celtes. “Ici, il y a une bonne fréquentation, la place n’est pas trop grande donc nous ne sommes pas noyés, nous restons visibles. C’est aussi un lieu très ouvert avec beaucoup d’étudiants. Mais surtout, tous les commerces autour suivent la démarche. Les librairies, les cinémas, ils nous aident à montrer ce qu’est vraiment la culture irlandaise” déclare Maëlys habillée d’un k-way vert à l’effigie irlandaise.
Une culture pour tous
En ce dimanche 16 mars, veille de la Saint Patrick, près de l’église Saint-Sulpice, ce sont des familles qui se sont réunies sur la place pour l’après-midi. Tandis que certains enfants s’initient au Hurling, traditionnel sport gaélique. D’autres se ruent sur la fresque partagée pour exprimer leur art, feutres et crayons à la main. Les parents discutent, observent, écoutent. Les passants les plus curieux s’arrêtent contempler l’exposition de photographies nommée “Cultures d’Irlande” représentant les paysages irlandais et son patrimoine. Quant aux plus enthousiastes, ils se mettent à applaudir et à danser accompagnés de pratiquants de claquettes venus spécialement d’Irlande au rythme de la cornemuse et du violon. Un premier îlot se crée.
Collier de trèfles, écharpes vertes, ou encore k-way sortit pour l’occasion, tous partagent un moment de convivialité. Pour la plupart locaux, la curiosité et l’envie de découvrir cette culture les ont convaincus à arpenter ce temps pluvieux. “J’aime beaucoup la culture irlandaise, notamment leur musique. Je n’ai aucun lien avec ce pays, mais j’ai vu passer l’information sur sortir à Paris, alors je m’y suis rendue” explique une habitante du quartier, spectatrice du concert de musique.
Après avoir dansé, joué et apprécié l’air frais de l’après-midi, la culture irlandaise continue de se diffuser jusqu’au Little Temple Bar, située dans des ruelles un peu plus excentrées. Véritable emblème des pubs irlandais, il est devenu pour la soirée, le point d’ancrage de nombreux fêtards. Guinness à la main, chapeaux verts et serre-tête en forme de trèfles, c’est un deuxième îlot qui se crée. La plupart des clients sont des étudiants ou jeunes adultes, tous venus avec un objectif en tête, faire la fête. Loin des démonstrations de sports gaéliques, c’est un concert de musique traditionnelle qui s’est installé. Violoniste, cornemuseur, guitariste, sans oublier le chanteur, le groupe fait monter la température. La foule entre et sort sans cesse, les Guinness défilent à toute vitesse et ce pub se transforme en une véritable cacophonie mélangeant musique, discussion, rire et pas de danse résonnant sur le parquet. Les plus extravertis montent sur la scène, chantant à tue-tête et rendant les paroles originales bien loin de la langue anglaise. Tandis que les plus timides les observent en riant, pouvant être à tout moment être emporté dans la danse. C’est un univers festif qui a envahi toute la ruelle mettant à l’honneur Patrick, un Leprechaun irlandais.
Une fête passagère
Tandis que les familles quittent les lieux en fin d’après-midi, la place se fige laissant derrière elle une allure morne et pâlie. Les photographies ne trouvent plus d’admirateurs, les drapeaux verts sont déposés au sol et le son des claquettes s’est dissipé dans l’air. Chacun à repris son chemin, ne laissant derrière eux ni empreinte, ni écho de festivités. Quelques heures plus tard, ce sont les pubs qui se vident. Les derniers debout ne se souviennent plus de leur venue ici, c’est un soir comme un autre qui se termine. La musique ne résonne plus, les trèfles ont disparu et la vie parisienne reprend le dessus donnant l’impression que la culture irlandaise n’a jamais posé ses valises dans ces lieux.
Alors que l’île d’Émeraude s’était introduite dans le quartier latin pour quelques jours, la célébration de cette culture festive et joviale finit par disparaître des ruelles parisiennes. C’est un court espace temps qui s’est ouvert dans le quartier latin, laissant entrevoir une culture aux mille facettes. La grandeur de Paris à fini par l’emporter. Les vitrines traditionnelles se remettent à briller, les touristes affluent carte et appareil photo en mains, et les locaux, de retour dans cette spirale, cherche à se frayer un chemin. Cette parenthèse culturelle qu’avait créée le quartier latin se dissimule et finit par disparaître délaissant ces vibrations habituelles. Ce lieu des toutes les cultures et les arts attend avec impatience la prochaine célébration de fêtes étrangères afin de redonner vie à ces ruelles.
Elise BONTEMPS
Mars 2025