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La résurgence des bouteilles d’eau en plastique pour accéder à l’eau potable.

Face à des incidents de plus en plus nombreux sur le système d’eau potable en France, les bouteilles d’eau en plastique se présentent comme des alliés. Considérées par certains comme solution à ces crises, notre dépendance envers ces contenants ne cesse de s’accentuer.

© Radio France – Marie-Jeanne Delepaul

Et si l’eau en bouteille, véritable contre-courant pour l’écologie, devenait la solution face à un système d’eau potable défaillant ? Face à une qualité d’eau en baisse ainsi que des ruptures d’approvisionnement croissantes communes à toute la France, les bouteilles d’eau en plastique endossent désormais le rôle de sauveuses.

En 2023, près de 100 départements français n’ont pas eu accès à l’eau potable due à des incidents sur le réseau d’eau, d’après un rapport de la Fondation Jean Jaurès portant sur l’utilisation des bouteilles d’eau en France. Entre ruptures des canalisations, dépassement du seuil de pesticides autorisé ou encore maintenance non effectuée, ces incidents qui ne cessent d’augmenter créent un véritable problème de survie pour les habitants. La consommation d’eau en bouteille devient alors inévitable. Vus comme solution miracle pour certains, ces antagonistes de l’écologie permettent à de nombreux départements de subvenir à leur besoin vital.

Une aide humanitaire

Et si les bouteilles d’eau en plastique devenaient de véritables lingots d’or ? En 2023, c’est la commune d’Aubusson, dans la Creuse, qui réalise sa dépendance envers ses contenants. Suite à une contamination de cyanobactérie, le maire de la commune a dû déployer près 18 000 bouteilles en plastique afin de répondre aux besoins de ces habitants d’après France Bleu. “Ça fait déploiement humanitaire. On se dit : ‘Ah ouais, on en est là?’ Vous prenez conscience que l’eau, c’est la vie. Les bouteilles de Cristaline arrivent, on dirait des lingots de plastique, on les stocke dans une pièce de la mairie comme si c’était un coffre-fort ». déclare Stéphane Ducourtioux, maire d’Aubusson.

Alors que la France tente d’arrêter la production de bouteilles plastique de moins de 50 cl d’ici 2027 afin de réduire l’utilisation et la production de cette matière sur son territoire. Elle se retrouve pourtant confrontée à une utilisation pour le moment inarrêtable due à un service public d’eau potable défaillant.

Une qualité en baisse

Tandis que l’utilisation de ces bouteilles résulte parfois d’une non-accessibilité à l’eau potable, leur présence est surtout synonyme de méfiance. Environ 60 % des Français considèrent l’eau du robinet comme non-saine d’après le rapport de la fondation Jean Jaurès, soit plus d’un Français sur deux. La conséquence directe de cette hostilité s’illustre par l’utilisation d’eau en bouteille. La France figure parmi les plus gros consommateurs de celles-ci.

Dans les territoires ruraux, c’est la présence des zones agricoles qui poussent les habitant à consommer de l’eau en bouteille. La contamination des sols due au non-respect des normes est l’un des principaux facteurs d’une qualité d’eau en baisse. Dans les zones citadines, c’est la pollution urbaine qui prend le dessus. Des composants de nature industrielles ou encore chimiques présents dû aux activités humaines, se déposent dans les systèmes de canalisation d’eau des villes, dégradant ainsi sa qualité.

De ce fait, le doute sur l’eau du robinet constitue un important facteur de consommation d’eau en bouteille. Dans les zones où les habitants figurent comme grand client de celles-ci, le taux de défiance envers l’eau du robinet atteint 79 % d’après le rapport de la fondation Jean Jaurès.

Le nouveau Doctolib

Dû à la dégradation, ou encore à la coupure d’accès à l’eau potable dans certaines communes, plusieurs marques ont réussi à se faire une place profitant d’une situation instable. À la manière de Doctolib pendant la période de pandémie, ces produits de substitution, pourtant destructeurs de l’environnement, deviennent alors la nouvelle aide d’un service public déficient.

Pour certaines communes qui se retrouvent parfois propulsées à l’air ou l’eau n’arrivaient pas dans les foyers, intègrent désormais les bouteilles d’eau en plastique dans leur quotidien. Bien loin du symbole d’une fracture entre ville et campagne, l’utilisation de ces bouteilles résulte simplement d’un système d’eau potable en situation critique, commun à toute la France. D’origine provisoire, ces produits de substitution s’installent peu à peu dans les quotidiens de chacun et nous deviennent indispensables.

Elise BONTEMPS

Mars 2025